Pour ce match, l’équipe de Thur 3 est privée de Deldo retenu dans une équipe plus en adéquation avec son niveau, et Regillo, absent. Ce sont donc les deux premiers échiquiers de la ronde précédente qui manquent. Catastrophique ? A vrai dire, on ne sait pas, car la grande inconnue est la composition de l'équipe adverse, qui, en fonction de la bundesliga, voit le niveau de son effectif augmenter de 600 points elo (soit 100 points elo de plus à chaque échiquier !).
C’est dans ce flou artistique que Claude compose son équipe, après avoir néanmoins appris une excellente nouvelle : il pourra compter sur la présence de Furet Alban, 1710, qui fait son retour à la compétition après 7 mois d’absence ! Alban au premier échiquier, il est décidé de sacrifier Oberlin Bernard au 2, voir Stuck Paul au 3, en comptant sur une victoire impérative des 4ème et 5ème échiquiers (Claude et Alexandre). Thor sera au 6ème. Pour gagner, il suffisait donc que Stuck, Oberlin ou Thor arrachent un résultat non nul.
C’est dans cet état d’esprit que l’équipe se présente, en retard évidemment, au local de Lutterbach.
La motivation de l’équipe, déjà élevée, est augmentée encore davantage en découvrant la composition de l’équipe adverse, puisque Lutterbach 2, bundesliga oblige, n’aligne pas sa meilleure équipe, puisqu’ils ont encore perdu 300 points elo (on constate d’ailleurs qu’ils ont aussi utilisé le jeu du sacrifice, privilégiant leurs échiquiers 4 et 6). Le match s’annonce donc plutôt équilibré avec une équipe de la Thur, sur le papier, favorite avec un score de 4 à 2.
Echiquier 3
Deuxième bonne nouvelle immédiate, un joueur de Lutterbach (1320 elos) manque à l’appel. Thor déjà courroucé de ne pas avoir joué le match précédent pense donc être forfait cette fois-ci. Mais plutôt que de décaler tous les effectifs (les feuilles de matchs étant déjà remplies), Lutterbach décide donc de laisser leur troisième échiquier forfait, et c’est donc Paul Stuck qui empoche avec joie (il était mal garé et donc pressé d’en finir) le premier point ! D’autant plus intéressant et de bonne augure puisqu’il s’agissait d’un des joueurs plus ou moins sacrifiés !
Alors que le match de l’équipe 1 de Lutterbach a déjà commencé depuis une demi-heure, et pour bien montrer sa présence en force, l’équipe de la Thur, en toute discrétion, s’installe donc, non sans avoir déplacé toutes les tables de jeu et explosé une pendule.
Echiquier 5
Alexandre Gourbin (1399), qui possède la confiance absolue du capitaine, a pour son deuxième match officiel, la lourde de tâche de ramener le point complet, et avec les noirs qui plus est. Aucune idée du niveau de son adversaire puisqu’il est estimé 1199.
Dans cette partie des 4 cavaliers, le Lutterbachois joue tout tempo, et Alexandre se laisse un peu aspirer dans ce piège. Il a du mal à suivre les coups pour les noter, et ne prend pas autant de temps pour la réflexion qu’il n’en prend d’habitude. D’autant que le 1199 attaque prestement le roque noir, mais il fait cela tout en échangeant le plus possible de pièces ?!. Et la position d’abord à l’avantage des blancs commence à s’égaliser. Surtout, elle s’éclaircit, ce qui permet à Alexandre de placer une judicieuse attaque le permettant de gagner la qualité. L’avantage n’est pas encore décisif, car l’entrée en finale avec deux Tours pour les noirs contre une Tour et un Fou pour les blancs est marquée par une meilleure structure de Pions blanche.
Alexandre, jouant toujours excessivement vite, rate une fourchette Roi-Fou. Mais il se rattrape en doublant ses Tours et finit quand même par gagner le Fou blanc. Le voyant commencer sa récolte de pions, les blancs jètent l’éponge. Alexandre n’a donc pas trahit la grande confiance placée en lui, et sa première victoire officielle offre donc le deuxième point à l’équipe de la Thur.
Echiquier 4
Claude (1440) qui avait lui aussi obligation de gagner, s’était octroyé une fois de plus les blancs pour ce match. Il rencontre un 1360, et souhaite jouer une partie plus courte que les précédentes, après les deux premières rondes qui ont duré 3 heures chacune, ce qui est BEAUCOUP trop pour le Marseillais. Mais ça s’annonce mal, le jeune 1360 parvient, dès le DEUXIEME COUP, à sortir Claude de ses cartons d’ouverture. Enervé au possible, le Polonais joue avec le pion du gambit dame en moins, et se lance immédiatement à l’assaut avec le Da4 de Deldo dès le 4ème coup. Récupérant son pion, et en en gagnant même un au 8ème coup, le capitaine choisit de renouer avec sa tactique habituelle : « je mène donc j’échange tout ». Après l’échange rapide des Reines, Claude décide de pousser ses clauderies jusqu’au bout, en jouant, fidèle à la tradition, Rf2 plutôt que roque. Cadenassant les pièces adverses, il parvient à en gagner une, puis deux, et à se retrouver avec deux pions passés liés sur les colonnes A et B. Le match est plié, mais le 1360 ne veut pas abandonner, même lorsque Claude ira chercher une Dame. La finale est quand même de Roi + Pion pour les noirs, contre Roi + Pions + Cavalier + Fou + Tour + Dame pour les blancs, excusez du peu ! Le mat implacable survient au 51ème coup. 3 à 0 pour la Thur, il ne manque plus qu’un demi-point pour le gain du match, mais à ce moment là, tout est encore très serré sur les 3 autres échiquiers.
Echiquier 6
Thor Patrick (1280), ultra-motivé après avoir été plus ou moins volontairement écarté de l’équipe la ronde précédente, joue avec les blancs un 1290.
Fidèle à ses conceptions secrètes d’ouverture, après 1.d4 d5, il opte après une mûre réflexion de 10 mn, pour le « combatif » 2.c3. La suite reste aussi Thorienne, puisque dans l’ouverture les noirs se retrouvent avec 4 pièces développées contre une demi-pièce blanche… Par contre, (mais ne me demandez pas comment, après trois ans j’ai pas encore compris) la suite est un feu d’artifice de notre 1280 qui empêche les noirs de roquer (à moins qu’ils aient fait le grand roque, diffcile à dire, ça ne ressemblait à rien) et qui se rue à l’assaut. Sous les regards tendus, crispés, inquiets, tétanisés mais plein d’espoirs, de Claude et Alexandre, Thor voit la combinaison tactique qui lui fait gagner la Dame adverse (bon, comme l’a montré un joueur de Lutterbach 1 qui admirait cette récitation théorique, il y avait plutôt que le gain de la Dame, un mat en 3, mais on va pas chipoter). Gagnant une autre pièce au coup suivant, Thor contraint les noirs à l’abandon, et malgré une partie plus longue en temps qu’aux échiquiers 4 et 5, le Thannois de Saint-Amarin s’offre une splendide miniature à en faire pâlir un Shirov-Kamsky !
Sans oublier bien sûr qu’il s’agit du 4ème point de l’équipe et que donc le match est gagné (franchement, j’aime quand un plan se déroule sans accroc).
Echiquier 2
Oberlin (1340) joue avec les blancs, un 1370. Finalement, au vu de la compo adverse, il ne s’agit plus d’un sacrifice et le match s’annonce équilibré. Et il l’est. Les deux joueurs sont plutôt deux défenseurs. Et malgré une pression noire sur le roque d’Oberlin (celui-ci se trouvant plutôt mal) il parvient néanmoins à s’en sortir, en rajoutant encore des pièces en défense. Chaque joueur semblant vouloir à tout prix éviter les échange, seul quelques pions manquent à l’appel. Les deux roques se retrouvent finalement affaiblis, mais chacun pense d’abord à consolider sa position défensive plutôt qu’à attaquer. Et c’est dans un sourire complice que les deux adversaires (qualifiés de frère jumeaux par Thor) s’accordent sur la nulle.
Echiquier 1
La Star de l’équipe, Furet Alban, 1710, rencontre un 1480. Mais attention, Alban est en manque de compétition, il a les noirs, et son adversaire est bien rôdé puisqu’il joue actuellement le relevé championnat de Mulhouse. Claude l’a d’ailleurs rencontré là-bas et la partie c’était soldée par une nulle.
La partie est semi-fermée (1.d4 Cf6), et semble vraiment équilibrée. Le Lutterbachois, comme l’avait d’ailleurs constaté Claude, est un joueur très très solide. Mais Alban sait être patient, et est très motivé pour ce match. Après une ouverture et un milieu de jeu on ne peut plus équilibré, on pense que dès l’entrée en finale le Thannois a match gagné car il vient de doubler ses Tours sur la colonne C et qu’il s’apprête à en faire de même sur la 7ème rangée. Oui mais voilà, les blancs ont un pion passé à 3 cases de la promotion, et les Tours noirs ne peuvent s’en éloigner. Thor est désabusé de voir notre 1710 tenu en échec. Après quelques échanges supplémentaires, on rentre dans une finale vraisemblablement nulle avec 2 Tours de chaque côté + 2 Pions liés chacun. Oui mais voilà, Alban n’a pas l’intention de lâcher l’affaire. Il est venu pour le gain du match et rien d’autre (d’autant que ça ne ferait pas du bien à son classement elo). Thor est totalement largué dans cette finale de folie, tandis que Claude et Alexandre reproduisent la position sur un autre échiquier tentant de trouver une faille dans la défense adverse. Et c’est avec une audace incroyable et une dextérité Kramnikièenne, qu’Alban offre un Pion et tel un requin qui ne lâche plus sa proie, fait passer le dernier. ET TOUT CA EN ZEITNOT. Les blancs doivent donner leur Tour contre la nouvelle Reine. Le 40ème coup est passé, et Alban peut assurer sa victoire. Encore faut-il empêcher les deux Pions passés-liés des blancs, soutenu par leur Roi, d’aller à promotion. Alban serein y parvient sans peine. Les blancs abandonnent (tiens, quand on y pense, y’a que mon adversaire qui a joué jusqu’au mat…), mettant ainsi un terme à cette splendide partie où l’on a bien vu la différence de niveau entre un 1400 et un 1700 en finale ! La Star de l’équipe signe donc la 5ème victoire du CE Thur 3.
5 à 0 pour le Cercle d’échecs de la Thur. 5 victoires, une nulle, aucune défaite. Ce qu’il y a de formidable dans cette équipe (quels que soient les joueurs qui la composent d’ailleurs) c’est que lorsque les équipes sont à peu près équilibrées, l’enthousiasme, la motivation, la bonne humeur Thannoise font la différence et on se retrouve avec un score fleuve. Bravo à tous les joueurs, personne n’a rien lâché, personne n’a contesté ses couleurs ou sa position sacrifiée dans l’équipe. Belle mentalité, que je tiens à souligner. Encore bravo et merci à tous, et rendez-vous pour le fameux match contre Wolschwiller en janvier prochain (attention, deux fois match nul 2 à 2 lors de notre précédentes confrontations, même si nous leur avions subrepticement raflé le titre !).
Moi, entraineur de la quadruple championne de France